Le formidable choc de la Seconde Guerre mondiale est suivi d’une volonté de refondation qui ne rencontre guère d’obstacle, les principaux tenants du pouvoir pendant l’occupation étant pour la plupart discrédités. Assise sur un large consensus politique quant au nécessaire règlement de la « question sociale », elle donne naissance à un nouveau monde, le monde industriel.
La genèse de l'expertise
Dans le nouveau monde industriel qui se met en place après-guerre, on trouve toutes les institutions qui portent les garanties collectives que nous connaissons, dont les comités d’entreprises. L’idée qu’ils puissent disposer de leur propre expert finit en outre par s’imposer malgré l’opposition du patronat, avec pour vocation, dans l’esprit du législateur, de contribuer à restaurer la confiance entre employeurs et salariés.
Lutte des classes et collaboration de classes
L’appropriation des garanties collectives de l’après-guerre par les acteurs sociaux s’effectue sous l’emprise hégémonique de la CGT, qui rapidement prône un retour à la lutte des classes. Elle investit fortement le secteur public mais, dans le secteur privé, la vocation opérationnelle du CE se trouve de fait largement circonscrite aux « œuvres sociales » qui, au moins dans un premier temps, apportent un véritable plus aux travailleurs.
Les promesses de l'analyse des comptes
Au plan de la gestion, le nouveau monde industriel commence à générer ses propres outils de pilotage : la comptabilité nationale se met en place tandis que se forgent les principaux concepts d’analyse des comptes d’une entreprise. Ils ouvrent la perspective d’une révélation de la « vérité des comptes » de l’entreprise aux travailleurs et, plus largement, d’une objectivation des principes de fonctionnement et des modalités d’exploitation de l’économie capitaliste.
L'apogée de la croissance
La dynamique sur laquelle repose ce nouveau monde permet un quasi plein emploi, des hausses de salaires qui dépassent nettement la hausse des prix et un véritable décollage des prestations sociales (assurance maladie, retraites, allocations familiales…). Les négociations portent alors principalement sur les hausses collectives de salaires, le plus souvent après un mouvement de grève orchestré par la CGT.
En lutte pour une société socialiste autogérée
Les événements de mai 1968 sont un épisode décisif de basculement des postures syndicales. La Cfdt, née quelques années plus tôt, est alors au diapason des revendications sociétales portées par le mouvement. Lors de son congrès de 1970, elle déclare militer pour l’instauration d’une société socialiste reposant sur les principes de l’autogestion, de la propriété sociale des moyens de production et de la planification démocratique.
La conception de Syndex
Peu avant les évènements de 1968, un premier contact est pris avec la Cfdt.
La naissance de Syndex
Puis, dans l’élan des évènements de 1968, un premier noyau d’intervenants se constitue.
Des experts d'un type nouveau
C’est donc dans le fil des événements de mai 1968 que quelques intellectuels prennent langue avec la Cfdt pour se mettre au service de la cause. Ces contacts rejoignent les attentes de la Cfdt qui creuse alors son sillon de « bureau d’étude de la classe ouvrière », à une époque où la théorie marxiste est le point de référence obligé des militants politiques de gauche et d’extrême gauche, en particulier dans le champ économique.
Contentieux et controverses
Après plusieurs décennies de calme plat, les interventions de Syndex au début des années 1970 suscitent une franche hostilité des employeurs. Les « luttes » sur le terrain se doublent alors d’affrontements avec le patronat, qui s’organise pour faire échec aux interventions de Syndex, comme avec l’ordre des experts-comptables, qui cherche à mettre en cause l’existence même du cabinet. Sans succès. Ce seront les deux premières victoires institutionnelles fondatrices de la société.
Le début de la fin du monde industriel
Mais le ralentissement des gains de productivité et la recherche croissante de débouchés à l’exportation pour écouler la production de masse conduisent les grandes entreprises à contester de plus en plus ouvertement le compromis fordien permis par la croissance de l’après-guerre. La crise pétrolière de 1974 met le feu aux poudres et ouvre la voie à une série de restructurations industrielles massives.
Lip et les travaux pratiques
Très rapidement, la crise du début des années 1970 rend largement caduque l’ambition de dévoiler aux travailleurs les turpitudes de l’économie capitaliste en vue de conforter leurs légitimes aspirations. Mais elles rapprochent les intervenants des militants lors d’interventions « sur conflit », dans un affrontement direct avec le patron. Non sans susciter quelques tensions avec l’organisation syndicale qui n’entend pas partager ses prérogatives.
Le "recentrage" de la Cfdt
La crise de 1974 et les restructurations massives qui jalonnent les années qui suivent vont cependant amener la Cfdt à mettre un terme à la période de débat et d’expérimentation sociale qui avait dominé la décennie précédente. Tandis que, sur le terrain, les demandes des fédérations et régions vont donner aux experts du CE un rôle accru, pour ne pas dire essentiel, dans l’action syndicale d’entreprise.
Les lois Auroux rattrapées par le col
L’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, ouvre la perspective d’une réforme en profondeur du cadre légal des relations du travail. Mais, concernant l’expert du CE, le projet gouvernemental accorde de fait un droit de veto à l’employeur. Syndex s’engage alors dans une action de lobbying et parvient à faire adopter ses propositions. Ce sera la dernière victoire institutionnelle de la société, qui assoit définitivement sa légitimité.